Archives mensuelles : janvier 2019

Arcadecraft – « Hangers », espace et obsolescence

J’ai pris le temps de me lancer dans un des jeux que j’ai acheté il y a trop longtemps déjà sur Steam: Arcadecraft. Le jeu propose la simulation de l’exploitation d’une salle d’arcade au cours des années 1980s aux États-Unis, objectif plus ou moins réussi, car l’expérience demeure assez minimaliste. On y représente une certaine conception nostalgique de ce qu’étaient les salles d’arcades durant leur âge d’or. On comprend très vite que l’arcade est ici comprise comme un espace qui s’articule uniquement autour de la consommation économiquement viable de l’expérience ludique et non comme espace de vie. Chaque joueur/consommateur apparaît soudainement aux machines pour disparaître aussitôt sa séance de jeu terminé sans circuler dans l’établissement virtuel. Pour paraphraser Samuel Tobin, la figure du « hanger », le non-joueur préférant se déplacer d’une machine à l’autre en observant d’autres joueurs, est complètement évacuée de cette simulation alors qu’elle est essentiellement à la compréhension des dynamiques qui structuraient ces espaces durant les années 1980s. Le jeu est donc en phase avec le discours dominant de l’histoire de l’arcade qui met l’accent principalement sur l’activité économique qui s’y déroulait.

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La façon dont l’espace est traité dans le jeu est aussi symptomatique de cette interprétation. Placer les machines en groupe est important afin de maximiser leurs revenus, mais la circulation des joueurs dans l’espace n’est pas prise en compte, ce qui peut aboutir à des situations assez absurdes, mais économiquement viables. Résultat, l’espace se réduit à une fonction utilitaire: une surface sur laquelle les machines sont posées.

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Ces mêmes machines font aussi la démonstration d’un problème d’obsolescence inévitable des jeux dans un contexte de salle d’arcade. Au fil du temps, chaque machine perdra de sa valeur jusqu’à ne plus rien rapporter de considérable si le joueur doit la vendre. Il s’agit donc de cerner le moment parfait où la machine est au zénith de sa popularité avant de la vendre pour en acheter une autre plus récente… Le roulement des machines est donc bien implémenté dans les mécaniques de jeux, mais force est d’admettre que cette dynamique semble faire abstraction du fait que, même à l’époque, il était aussi possible d’interchanger les circuits imprimés des machines afin de diminuer les frais de renouvellement de l’offre ludique. Considérant que l’existence cette fonction demeure un des facteurs importants expliquant le succès de Space Invaders au Japon en 1978, il est curieux qu’elle soit omise entièrement dans Arcadecraft.